Des manifestations d’une ampleur inédite depuis plusieurs années ont lieu en ce moment en Papouasie occidentale, région la plus à l’est de l’Indonésie. Deux personnes ont été tuées par des balles policières dans une partie reculée de l’île.
Il est quasiment impossible aux journalistes étrangers de se rendre en Papouasie occidentale. Le réseau téléphonique ou internet y est souvent très mauvais ou inexistant. Un conflit s’éternise pourtant là-bas entre le gouvernement central indonésien et des populations indépendantistes. Ces dernières semaines, les tensions n’ont fait que monter.
Ce qui génère ce vent de protestation pourrait à première vue sembler être n’être qu’un détail administratif : il s’agit du plan du gouvernement indonésien de diviser cette région de Papouasie en six provinces. Mais ce projet a été fait sans tenir compte de l’avis des populations autochtones, déplore Wensislaus Fatubun, conseiller en matière de droits de l’homme pour l’Assemblée du peuple papou : « Selon notre loi d’autonomie spéciale, le gouvernement doit consulter l’Assemblée du peuple papou, le Parlement régional représentatif et le Parlement papou pour décider s’il doit y avoir ou non de nouvelles provinces. Et si nous arrivons à la situation actuelle, avec ces manifestations, c’est notamment, car il n’y a pas eu cette consultation ! »
Ce projet de fragmenter la région papoue a aussi des airs de déjà vu qui rendent les populations méfiantes, explique Veronica Koman, avocate indonésienne spécialiste de la Papouasie à Amnesty International. « Les Papous voient ça comme une tactique pour militariser encore plus leur région. Car de nouvelles provinces, cela veut dire de nouveaux états-majors, de militaires, de postes de polices. Et puis ces nouvelles provinces seraient un nouveau facteur d’attraction pour que des Indonésiens d’autres îles viennent s’installer en Papouasie. Dire cela, ce n’est pas seulement théorique, c’est ce qu’il s’est passé quand on est passé d’une seule région administrative en Papouasie à deux régions. Après cela, les Papous sont devenus minoritaires en Papouasie occidentale ».
Ces Papous, selon un rapport du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, sont également victimes d’exactions sur leur territoire. Ce rapport évoque une recrudescence d’abus choquant envers les populations papoues, évoquant des meurtres d’enfants, des disparitions, des tortures et des déplacements massifs forcés de 60 000 à 100 000 personnes depuis décembre 2018.
Le gouvernement de Jakarta a qualifié ce rapport de « non professionnel, mal intentionné et unilatéral » mais refuse en attendant de suivre les recommandations de ces observateurs extérieurs. Ils préconisent par exemple de confier les enquêtes sur les Papous tués par la police à des professionnels neutres et extérieurs au conflit. Un des derniers cas en date concerne Makilon Tabuni, un enfant de 12 ans mort en détention après avoir été suspecté d’avoir volé une arme.
rfi
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