L’Allemagne demande formellement «pardon» pour ses massacres commis en Tanzanie à l’époque coloniale
En déplacement en Tanzanie, le président allemand Frank-Walter Steinmeier a « demandé pardon » pour les crimes commis sur place par son pays au début du XXe siècle. Alors que le passé colonial allemand est resté peu connu pendant longtemps, les choses changent depuis une dizaine d’années, comme l’a montré la reconnaissance du génocide commis en Namibie.
« Je m’incline devant les victimes de la domination coloniale allemande. Et en tant que président allemand, je voudrais demander pardon pour ce que les Allemands ont fait subir ici à vos ancêtres ». Frank-Walter Steinmeier a exprimé sa « honte » lors d’une visite au musée consacré au soulèvement du peuple Maji-Maji, dans l’actuelle Tanzanie, rapporte notre correspondant à Berlin, Pascal Thibaut.
Dans la colonie baptisée « Afrique de l’Est » où l’Allemagne a régné des années 1880 à 1918, un massacre d’ampleur avait fait, entre 1905 et 1907, entre 200 000 et 300 000 victimes. Le président allemand a plaidé pour un travail commun sur cette mémoire douloureuse et promis une restitution à la Tanzanie de restes humains qui se trouvent toujours en Allemagne.
Lors de sa visite, Frank-Walter Steinmeier a rencontré les descendants du chef Songea Mbano, un chef de la rébellion à l’époque, pendu et décapité par les Allemands avec 66 de ses combattants. Ses descendants sont toujours à la recherche du crâne de ce chef, très probablement transporté ensuite en Allemagne dans un musée ou une collection ethnologique, comme de nombreux ossements d’Africains à l’époque coloniale, en vue d’être étudiés.
« Je vous promets que nous nous efforcerons de le retrouver en Allemagne. Mais je ne vous promets pas de réussir », a dit Frank-Walter Steinmeier, soulignant la difficulté du travail d’identification des ossements.
« Il est temps d’arrêter de pleurer et d’ouvrir un nouveau chapitre »
Interrogé au téléphone, John Mbano, avocat de 36 ans vivant à Songea, a salué le discours du président. « Nous avons pleuré pendant des années. Maintenant, il est temps d’arrêter de pleurer et d’ouvrir un nouveau chapitre de bonne relation entre la Tanzanie et l’Allemagne », a dit John Mbano, après avoir rencontré Frank-Walter Steinmeier avec d’autres membres de sa famille, dont son frère Michael Mbano, maire de Songea.
Dans son discours, Frank-Walter Steinmeier s’est adressé personnellement aux descendants, disant avoir « honte de ce que les soldats coloniaux allemands ont fait subir ». Il a rendu hommage au « courageux » chef Songea Mbano qui a refusé de trahir son peuple : les colons allemands lui avaient proposé de le laisser en vie à condition qu’il les serve.
Ce passé colonial allemand, qui s’est achevé dès 1918, est longtemps resté à l’arrière-plan du travail de mémoire dominé par le IIIe Reich. Peu connu du grand public, il joue un rôle plus important depuis quelques années. C’est Frank-Walter Steinmeier, à l’époque ministre des Affaires étrangères entre 2013 et 2017, qui avait initié des discussions avec la Namibie sur le massacre des Herero et des Nama qui ont conduit à des restitutions et la reconnaissance du génocide commis par la puissance coloniale.
RFI
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