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Uttar Pradesh: une élection test pour l’hindouisme radical

En Inde, cinq régions vont renouveler leur Parlement régional d’ici au 10 mars. Dès ce jeudi 10 février, le scrutin a débuté dans l’Uttar Pradesh. C’est l’État le plus peuplé, avec 230 millions d’habitants. C’est aussi le bastion du parti nationaliste hindou BJP au pouvoir depuis 2014. C’est donc ici que le Premier ministre, Narendra Modi, jouera sa réélection en 2024.  C’est un scrutin test à mi-parcours pour Narendra Modi, car l’Uttar Pradesh envoie plus de députés au Parlement national que tout autre État (80 des 543 sièges de la chambre basse). L’élection sera également un test crucial pour l’« Hindutva », l’hindouisme nationaliste prôné par le Bharatiya Janata Party (BJP). L’Uttar Pradesh en est devenu un véritable laboratoire, sous l’égide de son sulfureux ministre en chef, Yogi Adityanath, connu comme étant encore plus extrémiste et islamophobe que son mentor.Nommé par Narendra Modi en 2017, ce moine qui prêche la haine contre les musulmans est une figure clé et grand favori de ces élections régionales. Depuis son ascension au pouvoir dans l’Uttar Pradesh, il a attisé les divisions interconfessionnelles pour séduire les électeurs hindous, qui représentent 80% de l’électorat.

« Il va même au-delà de ce que Narendra Modi avait osé faire dans le Gujarat », analyse Jean-Joseph Boillot, chercheur associé à l’IRIS et spécialiste de l’économie indienne. « Il a mis en œuvre trois mesures phares : l’interdiction de l’abattage des vaches, sacrées pour les hindous. C’est la principale occupation des musulmans. Tout d’un coup, 40 à 50 millions de personnes ont donc été privées de leur revenu de base. La deuxième mesure a été la loi sur la citoyenneté qui vise à donner la nationalité uniquement aux hindous. La troisième grande mesure a été l’interdiction des mariages interreligieux qui oblige les couples qui veulent se marier à prouver qu’ils sont de la même religion », détaille-t-il.

Une milice sème la terreur parmi les musulmans

Au nom de la protection des femmes hindoues et des vaches sacrées, une milice à la solde de Yogi Adityanath, la « Hindu Yuva Vahani », sème la terreur dans la communauté musulmane.  

Âgé de 49 ans, ce moine devenu gouverneur est reconnaissable à son crâne rasé et sa toge couleur safran. Son seul mot d’ordre : « je suis contre tous ceux qui sont contre l’hindouisme ». Yogi Adityanath est un suprémaciste hindou en croisade : « C’est un moine soldat, chef d’un ordre monastique radical de nationalistes hindous que l’on appelle ‘Hindu Mahasabha’ », explique Gilles Verniers, professeur en sciences politiques à l’université d’Ashoka à New Delhi, « c’est une organisation militante fondée au début du 20ème siècle en réponse à la création de la ligue musulmane et dont l’objectif est d’établir un État hindou. » La crainte, selon le chercheur, est que la politique extrémiste régionale dans l’Uttar Pradesh serve de modèle pour un État hindou à l’échelle nationale.

Pour Yogi Adityanath, surnommé le « prêcheur de la violence » par la presse indienne, la campagne électorale se résume à une bataille « 80% contre 20% » à savoir la majorité hindoue (80% de la population) contre la minorité musulmane (20%) : « Il n’a pas explicitement parlé de musulmans, mais il a fait référence aux 20% d’antinationaux et de criminels. Tout le monde comprend alors qu’il fait référence aux musulmans. C’est sa manière d’associer les minorités religieuses au crime, au désordre et au manque de patriotisme ».

L’inflation et le chômage record pourraient jouer un mauvais tour au BJP

Yogi Adityanath se rêve déjà en successeur de Narendra Modi. En cas de large victoire, il serait en effet bien placé pour remplacer un jour l’actuel Premier ministre.  Au sein du BJP, son nom est souvent cité. Selon les sondages d’opinion, le BJP devrait conserver sa majorité à l’assemblée de l’Uttar Pradesh qui compte 403 membres, ce qu’aucun autre parti n’a réussi à faire depuis 1985.

Mais les jeux sont loin d’être faits, selon Jean-Joseph Boillot, fin connaisseur de l’économie indienne. Car dans cet État très pauvre, l’inflation et le chômage record pourraient jouer un mauvais tour au BJP et à son moine extrémiste : « Yogi Adityanath part favori, mais les divisions à l’intérieur de l’Uttar Pradesh ont créé des remous, il y a eu des meurtres dans des villages. L’Inde est aujourd’hui à feu et à sang, et cela a eu des répercussions sur la situation économique de l’Uttar Pradesh qui aujourd’hui n’est pas bonne du tout. »

La résistance contre l’hindouisme radical s’organise

Une victoire de Yogi Adityanath, accentuera-t-elle son discours et sa politique islamophobe et contre les minorités religieuses ?  « Ce n’est pas sûr, car la société civile est influente, on le voit déjà dans le sud de l’Inde où la résistance est la plus forte », selon Jean-Joseph Boillot qui estime par ailleurs que « si le BJP se maintient au pouvoir, c’est parce que l’opposition est totalement divisée que non parce qu’il est en pleine ascension. » 

Le protégé de Narendra Modi est donc plutôt sur une pente descendante, estime Jean-Joseph Boillot, et la question qui se pose est de savoir si le BJP aura encore une majorité absolue ou une majorité relative. Signe de nervosité au sein du BJP: le parti est confronté à un début de rébellion dans l’Uttar Pradesh. Une dizaine de hauts lieutenants ont claqué la porte, à la veille des élections. Le dépouillement aura lieu le 10 mars.

RFI

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