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La Gambie élit son prochain président, à l’ombre de l’ex-dictateur Jammeh et du Covid

Les Gambiens élisent samedi leur prochain président avec l’espoir qu’il améliorera les conditions de vie de leur pays éprouvé, et fermera les plaies encore vives de l’ère Yahya Jammeh. Mais l’ombre de l’ancien dictateur plane sur un scrutin incertain.

Le sortant Adama Barrow et cinq autres candidats, tous des hommes, se disputent les voix d’un peu moins d’un million d’électeurs, et la charge de diriger pendant cinq ans le plus petit pays d’Afrique continentale, qui est aussi l’un des plus pauvres au monde.

Il n’y a qu’un tour. Les bureaux ouvrent à 8H00 et ferment à 17H00 (locales et GMT). Les premiers résultats pourraient être connus dimanche.

Dans une Afrique de l’Ouest frappée de recul démocratique, la Gambie, bizarrerie géographique s’enfonçant sur quelques centaines de kilomètres le long du fleuve du même nom à travers le Sénégal, peut tenir lieu de contre-exemple. Après avoir tourné la page de plus de vingt ans de dictature Jammeh fin 2016, elle peut connaître sa première transition ouverte quand les Gambiens iront voter, en déposant en guise de bulletin une bille dans un des bidons aux couleurs de chaque candidat.

“On est entré dans une période de liberté où les gens peuvent s’exprimer sans crainte du danger”, dit Gilles Yabi, fondateur du think-tank Wathi. Mais cette démocratie est “fragile”, dit-il.

Avant les derniers meetings d’une campagne suivie avec engouement, tous les Gambiens interrogés sur un marché de bric et de broc où s’empilent d’énormes pastèques près de pièces détachées automobiles, disent l’importance d’aller voter, en invoquant le souvenir de l’ère Jammeh.

Il y a cinq ans, “les gens n’avaient pas envie, ils pensaient qu’on était en dictature. Maintenant on est libre”, dit Fatoumatah Bah, secrétaire de 36 ans. Cette élection a “quelque chose de spécial”; il y a des problèmes économiques “pressants”, mais l’important, c’est de “voter pour la paix”, dit-elle.

– “Les temps sont durs” –

De son exil en Guinée Equatoriale, Yahya Jammeh, parti il y a cinq ans sous la pression d’une intervention militaire ouest-africaine, se mêle à l’avenir d’un pays où il compte encore de nombreux supporteurs. L’éventualité qu’il rende des comptes pour les crimes imputés à lui-même et ses agents entre 1994 et 2016 – assassinats, disparitions forcées, actes de torture, détentions arbitraires, viols… – est l’un des enjeux de l’élection.

Un autre, apparemment plus présent à l’esprit des Gambiens du marché, est la sortie de crise.

Abdoulaye Janneh, 27 ans, électricien qui arbore un tee-shirt à l’effigie de l’opposant Ousainou Darboe, se plaint que “les temps sont durs”, même plus que sous Yahya Jammeh, dont il ne souhaite pas le retour pour autant. “Nous voulons le changement, dans tous les domaines, la santé, l’emploi…”

Près de la moitié des Gambiens vivent dans la pauvreté. En dehors de l’agriculture, le pays, avec ses plages sur l’Atlantique, vivait du tourisme, britannique surtout. Le pays a été durement touché par le Covid, qui a tari les flux.

De nombreux emplois ont disparu. Les Gambiens souffrent de l’augmentation des prix des produits de première nécessité, des coupures d’eau et d’électricité, du manque d’accès aux soins.

Pour le sortant Adama Barrow, 56 ans, vainqueur surprise de Yahya Jammeh en 2016, l’élection donnera la mesure de la confiance placée en lui pour redresser la barre et réconcilier les Gambiens.

Mais le doute s’est fait jour sur ses intentions au sujet de Yahya Jammeh.

Avec la consécration de l’ancien promoteur immobilier, les prisonniers politiques ont été libérés, le multipartisme instauré, la liberté d’expression restaurée. La Gambie a réintégré le Commonwealth, et a renoncé à quitter la Cour pénale internationale.

– Alliance controversée –

Mais, assène Ousainou Darboe, 73 ans, présenté comme le principal concurrent de M. Barrow, celui-ci a manqué à tous ses engagements.

“Au lieu de mener l’agenda de la transition, il a conçu son propre agenda pour se maintenir au pouvoir”, accuse dans un entretien avec l’AFP l’avocat et défenseur de nombreux opposants de l’ancien dictateur, éternel deuxième de la présidentielle derrière Yahya Jammeh.

M. Barrow est revenu sur sa promesse de ne rester que trois ans. Il a mis beaucoup d’eau dans ses engagements passés à faire rendre justice pour les crimes de l’époque Jammeh.

Son parti a noué une alliance avec celui de l’ancien autocrate Jammeh. Ce dernier, dans une de ses interventions à distance, a dénoncé l’accord.

M. Barrow s’est retrouvé en novembre avec entre les mains le rapport d’une commission instituée sous sa présidence sur les exactions des années Jammeh. Le rapport demande que les responsables soient poursuivis. Son contenu n’a pas été publié.

M. Barrow ou son successeur a six mois pour trancher la délicate question des suites à donner. M. Darboe éclate de rire quand on lui demande si M. Barrow appliquerait les recommandations de la commission. “Quand nous serons élus, nous appliquerons les recommandations”, assure-t-il.

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