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Au Soudan, cinq morts dans les manifestations contre le coup d’Etat

Cinq manifestants ont été tués samedi au Soudan dans la répression d’une mobilisation rassemblant des dizaines de milliers d’opposants au coup d’Etat du général Abdel Fattah al-Burhane.

Il y a deux jours, le militaire, auteur du putsch du 25 octobre, entendait entériner le nouvel état de fait en reprenant la tête du Conseil chargé de la transition, reformé pour l’occasion de militaires et de civils apolitiques en remplacement de ceux qu’il avait déposés ou arrêtés.

Mais samedi, les partisans d’un pouvoir civil sont parvenus à rassembler à travers le pays des dizaines de milliers de personnes, pourtant contraintes, en raison de la coupure d’internet depuis près de trois semaines, de s’organiser par SMS ou via des graffitis sur les murs.

L’ONU et des ambassadeurs occidentaux avaient appelé les forces de sécurité à éviter une effusion de sang dans un pays où déjà plus de 250 manifestants avaient été tués lors de la révolte qui renversa en 2019 le dictateur Omar el-Béchir.

Les forces de sécurité semblent cependant avoir fait le choix de la répression: un syndicat de médecins pro-démocratie a recensé jeudi cinq manifestants tués à Khartoum, ainsi que de “nombreux blessés par balles” ou gaz lacrymogènes.

Et les forces du général Burhane ont même, selon la direction provinciale du ministère de la Santé, attaqué des hôpitaux de la capitale.

Une version contestée par la police qui nie avoir ouvert le feu sur les manifestants et dit avoir enregistré, selon la télévision nationale, “39 blessés graves” parmi ses rangs.

Sur Twitter, l’ambassade des Etats-Unis à Khartoum a elle condamné l’usage “excessif de la force”.

– “Le peuple décide” –

Depuis le coup d’Etat, 20 manifestants ont été tués et plus de 300 blessés, selon le syndicat des médecins. Et, note l’ONU, des centaines d’opposants ont été arrêtés.

Dès le petit matin, soldats et paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF) s’étaient déployés en masse à Khartoum, installant des barrages mobiles pour empêcher les rassemblements et bloquer la circulation.

Malgré ces obstacles, des cortèges sont partis de nombreux quartiers aux cris de “Non au pouvoir militaire” et “A bas le Conseil” de souveraineté.

“Les militaires ne devraient pas se mêler de politique, ils feraient mieux de protéger la Constitution”, enrage Ahmed Abderrahmane, qui défile à Khartoum.

“Pas de négociation avec les putschistes, c’est le peuple qui décide”, renchérit dans un autre cortège Hamza Baloul, ministre de l’Information, arrêté le 25 octobre et récemment relâché, selon une vidéo mise en ligne par son bureau.

Des manifestations ont également eu lieu dans d’autres villes du pays ainsi que dans plusieurs capitales occidentales où la diaspora soudanaise s’oppose au coup d’Etat, ont rapporté des correspondants de l’AFP.

Avec son coup de force, le chef de l’armée a rebattu les cartes d’une transition qui avait fait long feu. Il a fait rafler la quasi-totalité des civils au sein du pouvoir, mettant un point final à l’union sacrée entre civils et militaires qui avait clos 30 ans de dictature Béchir en 2019, et devait mener à un régime démocratique.

Jeudi, il a restauré le Conseil de souveraineté, plus haute autorité de la transition depuis la destitution sous la pression de la rue de Béchir, qu’il avait dissous le 25 octobre.

Il a reconduit ses membres militaires et nommé des civils apolitiques en remplacement des partisans d’un pouvoir 100% civil.

– Promesses d’élections –

Avec son second, le général Mohammed Hamdane Daglo, chef des RSF accusé d’exactions, ils se sont engagés à “des élections libres et transparentes” à l’été 2023. Des promesses loin d’avoir apaisé l’opposition.

“Maintenant que le coup d’Etat a eu lieu, les militaires veulent consolider leur mainmise sur le pouvoir”, décrypte Jonas Horner, chercheur à l’International Crisis Group.

En face, les organisations prodémocratie qui étaient parvenues à paralyser le Soudan contre Béchir semblent cette fois-ci incapables de faire durer “désobéissance civile” et “grève générale” — synonymes d’absence de revenus — dans l’un des pays les plus pauvres au monde. Sans les empêcher de manifester en nombre comme on l’a vu samedi.

Pour Volker Perthes, émissaire de l’ONU au Soudan, “la nomination unilatérale du Conseil de souveraineté rend beaucoup plus difficile un retour aux engagements constitutionnels” de 2019.

L’armée n’a libéré que quatre ministres arrêtés lors du putsch, et le Premier ministre renversé, Abdallah Hamdok, demeure en résidence surveillée.

Face aux appels de la communauté internationale à un retour au gouvernement civil d’avant-25 octobre, le général Burhane promet depuis plusieurs jours la formation “imminente” d’un gouvernement.

Afp

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