“Nous entrons dans la mine comme des animaux en marchant à quatre pattes et si nous nous fatiguons, nous glissons sur nos fesses” jusqu’à 70 mètres sous terre pour chercher de l’or, raconte Hardy Bisimwa, creuseur à la mine de Luhihi dans l’est de la RDC.
La mine est située à 24 km au nord de Bukavu, chef lieu du Sud-Kivu (est) Elle a attiré l’attention, il y a environs deux ans, lorsque des habitants ont découvert une colline où il était possible, selon eux, de “ramasser de l’or à fleur du sol”.
Une cité de près de 200 familles a poussé sur la colline environnante avec des habitations en bois couvertes de tentes bleues, permettant aux creuseurs artisanaux d’organiser leur vie de famille, dans l’indifférence quasi-totale de l’État.
Aucun policier n’était visible lors du passage de l’équipe de l’AFP. “Tout voleur est lynché jusqu’à ce que mort s’en suive. La justice populaire dicte sa loi” dans cette cité d’où continuent de sortir quelques grammes d’or, regrette Didier Ciza, président de la société civile du groupement de Luhihi.
Sans protection et à mains nues, des creuseurs artisanaux, torches fixées sur leurs têtes s’engouffrent chaque jour dans des galeries souterraines soutenues par des poutres circulaires.
Ils en ressortent avec des sacs contenant des morceaux de pierres, qui pourraient produire quelques grammes d’or à la fin du processus.
“On travaille sans ration. On n’a même pas le moyen de trouver du savon pour nous laver. Si on n’a pas encore trouvé la matière (de l’or) c’est difficile de manger”, se désole Hardy Bisimwa, le corps couvert de la poussière jaune de ce sol argileux.
En sept mois de travail, ce jeune diplômé du secondaire de 22 ans, a ramené de l’or “une seule fois”. “Je ne me décourage pas. Avec l’aide de Dieu, je pourrais encore en trouver pour faire vivre ma femme et mes trois enfants”, espère-t-il.
-‘Plus assez d’or’-
Bertin Muruha, jeune creuseur de 19 ans, qui a échoué à l’épreuve de baccalauréat en 2019, travaille lui aussi dans l’une des excavations souterraines, sans masque ni casque.
Il témoigne qu’il lui a fallu plus d’une année de travail avant de ramener de l’or à la surface. Portant sur sa tête un sac de pierres sorties des entrailles de la terre, il estime que son jour “approche à grands pas”.
Direction, le concasseur, la prochaine étape du processus de production de l’or avant la laverie. C’est une vielle machine bringuebalante composée d’une poulie attachée à une courroie qui permet de broyer ces pierres en petits morceaux.
Là, un ouvrier s’active dans un petit canal d’amenée d’eau pour enlever des impuretés de “la matière” broyée. Le nettoyage se fait de manière artisanale par d’autres ouvriers, ne portant ni gants ni protection, mais qui ne laissent passer aucun grain.
Le sable est méticuleusement séparé des particules métalliques retenues pour l’étape suivante. Le tamisage se fait dans une sorte de réservoir d’eau boueuse, rejetée dans la nature sans être canalisée, ni préalablement traitée.
Les grammes d’or trouvés sont aussitôt remis aux propriétaires des puits pour leur commercialisation auprès d’un comptoir d’achat à Bukavu.
“Lorsque nous évaluons l’impact environnemental, on constate que toutes nos infrastructures, routes et ponts, ont été détruites”, regrette Didier Ciza, président de la société civile du groupement de Luhihi.
N’étant pas organisés en coopératives, les creuseurs artisanaux ne participent pas à leur réhabilitation, déplore-t-il.
“Cette carrière n’a plus assez d’or. S’ils en trouvent, ça ne nous aide en rien parce que les creuseurs ramènent toute leur production à Bukavu. Nous, habitants de la cité ne bénéficions de rien du tout”, proteste Sifa Nshobole, une habitante née dans cette cité.
Le sol et le sous-sol congolais regorgent d’immenses richesses : l’or, le coltan, le cobalt… contrôlés à plusieurs endroits par des groupes armés alors que la population vit avec 1,25 dollar par jour selon la Banque mondiale.
afp