Les tensions préélectorales ont gagné mercredi la capitale sénégalaise Dakar, théâtre entre partisans de l’opposition et forces de l’ordre de heurts ravivant le spectre des émeutes de mars à deux mois et demi de scrtins locaux.
Trois figures de l’opposition, Ousmane Sonko, annoncé comme un des principaux concurrents à la présidentielle de 2024, Barthélémy Dias, candidat à la mairie de Dakar en janvier, et Elhadji Malick Gakou, ancien ministre, ont été interpellés et retenu quelques heures par les policiers à la suite de violences entre leurs supporteurs et les forces de l’ordre sur le chemin du tribunal où M. Dias devait comparaître pour une affaire de 2011.
Ils ont été relâchés en début de soirée, ont indiqué à l’AFP deux de leurs avocats ainsi qu’un porte-parole du parti de M. Sonko.
Mais le déroulement de la journée fait craindre une campagne sous tension dans ce pays réputé comme un îlot de stabilité en Afrique de l’Ouest, mais sévèrement éprouvé par la pandémie et la crise économique ces derniers mois.
Avant leur libération, Yewwi Askan Wi (“Libérons le peuple” en ouolof), la coalition formée autour de M. Sonko en vue des élections municipales et départementales de janvier, avait appelé à la mobilisation. Des jeunes sont aussitôt descendus dans la rue bloquer l’un des principaux axes de Dakar avec des pneus enflammés.
Plus tôt dans la journée, le cortège conduisant M. Dias au tribunal avec des centaines de supporteurs dans son sillage et MM. Sonko et Gakou à ses côtés s’est heurté à plusieurs reprises aux barrages de gendarmes ou de policiers.
– Communauté de sort –
Les sympathisants de M. Dias ont lancé des pierres, les forces de sécurité ripostant par des tirs de lacrymogènes.
Des images de l’AFP montrent MM. Dias et Sonko en venir aux mains avec les forces de l’ordre. Le cortège a fini par rebrousser chemin après l’interpellation de MM. Sonko, Dias et Gakou, conduits dans des locaux de police.
En mars, c’était M. Sonko, ardent détracteur du président Macky Sall, qui était convoqué au tribunal. Son arrestation alors qu’il se rendait en convoi au tribunal pour répondre à la convocation d’un juge pour des viols présumés qu’il réfute avait déclenché plusieurs jours de heurts et de saccages à Dakar et en province.
Les violences avaient fait au moins une douzaine de morts.
MM. Sonko et Dias ont en commun de voir les ennuis judiciaires troubler leurs desseins politiques, comme l’ancien maire de Dakar Khalifa Sall, membre de leur coalition, et l’ancien ministre Karim Wade, fils d’ex-président, avant eux. Tous crient au complot ourdi par le pouvoir, et fustigent une justice instrumentalisée.
L’opposition a dénoncé comme un stratagème politique l’audiencement du procès en appel de M. Dias en pleine campagne électorale, alors que ce procès végétait depuis des années en raison de multiples renvois.
– Nouveau renvoi –
Avant l’audience de mercredi matin, Dakar retenait son souffle, tant le script avec M. Dias pour personnage principal rappelait celui de mars avec M. Sonko et tant, en dehors du recul de la pandémie, les facteurs de crispation demeurent, à commencer par les difficultés socio-économiques pour une population pauvre et éprouvée.
Des centaines de policiers en tenue anti-émeutes, soutenus par des engins lourds, avaient été disposés autour du tribunal et dans Dakar.
La campagne pour les élections de janvier 2022 a déjà donné lieu à des heurts en province. L’invalidation d’un certain nombre de listes de candidats aux élections a ajouté à l’irritation de l’opposition.
M. Dias, maire d’une commune d’arrondissement de la capitale, devait être jugé en appel avec d’autres pour la mort en 2011 de Ndiaga Diouf, un lutteur décrit par l’opposition comme un nervi du régime. Il avait été abattu par balle lors de l’assaut donné à la mairie de M. Dias par de supposés sympathisants du parti au pouvoir, dans un contexte de contestation grandissante contre une candidature du président sortant Abdoulaye Wade à un troisième mandat en 2012.
M. Dias avait été condamné en 2017 à deux ans de prison, dont six mois ferme.
Finalement, l’audience, ouverte vers 9H30 (locales et GMT) sans M. Dias, pas encore parti de chez lui à plusieurs kilomètres de là, a de nouveau été repoussée au 1er décembre, le président du tribunal invoquant la demande d’un prévenu, bien présent quant à lui.